Nos amis de la Police accueillent l'Eglise de la Sainte Consommation !

 


(Un curé bien encadré. Nos amis préférant être grimés :
derrière ces lunettes, il ne s'agit pas de policiers
mais de plombiers-zingueurs. Photo de Frère Zool)

Aujourd'hui Samedi 27 Novembre 2004, alors que de nombreux fidèles priaient paisiblement devant les Temples de la Consommation à l'occasion de la soi-disant "Journée sans Achat", deux représentants de l'Eglise de la Très Sainte Consommation et une journaliste ont été accueillis, avec une joie non dissimulée, au sein du sein du Commissariat des Halles et retenus pendant plusieurs heures.

Parce qu'une journée sans Achat ne doit pas être une journée sans Prière, de nombreux fidèles nous avaient rejoint à la Fontaine des Innocents. La procession entama son chemin de croix un peu avant 15H, s'arrêtant pour prier devant les temples de la consommation autour de la place, commençant par le fameux Mac Ronald (prière à la Malbouffe), puis un Bureau de Change (prière au Profit), le restaurant d'animaux morts l'Entrecôte (une nouvelle prière à la Viande), un magasin de vêtements débiles (prière aux Fringues), un magasin de "Culture" vendant des calendriers, des livres de recettes, des cartes postales et des guides du Croutard (prière aux Supermarchés Culturels)...


Prière à la Police (que nous aimons)

Se dirigeant ensuite vers le Forum, la procession n'a pas résisté à l'envie de faire une petite prière à la Police (que nous aimons) devant le Commissariat, où les fidèles agenouillés ont su montrer toute leur ferveur. Puis, allant toujours en paix, nous avons descendu les escaliers pour arriver devant le Grand Temple de la Consommation Culturelle : la FNUC ! Une prière aux Galeries Commerciales, et nous étions bien décidés à en rester là, tout s'étant bien passé jusqu'à présent, et à retourner paisiblement vers la Fontaine.
C'est alors que plusieurs hommes en bleu sont arrivés, demandant ses papiers à un Révérend bien décidé à retourner sur la place pour finir la messe. Des papiers, nous en avions, les missels du Consommateur bien sûr ! Mais ils voulaient autre chose, nous avions une autorisation, elle est sur la place, revenons vers la place pour vous la montrer mes frères... Nos amis de la police sont de plus en plus nombreux, difficile d'échapper à leur ferveur, le Révérend dont le mégaphone porte encore la bonne parole, demande aux fidèles de rester groupés, mais rien n'y fait, il est agrippé avec la plus grande fermeté par ses amis en bleu. Il crie "non-violence, non-violence", mais à quoi bon, il est traîné de force à l'écart du groupe de fidèles. C'est alors que, à une quinzaine de mètres du poste de peau lisse (comme une peau de bébé), Frère Livethrobbe, un autre fidèle, arrivant en retard pour la messe et voyant le prêtre se faire embarquer, l'enlace et se prosterne à ses pieds. Il n'en faut pas plus pour que nos amis de la peau lisse (sans boutons) décident de l'emmener lui aussi ! Allongé à terre en contemplation, et le voilà, porté par la grâce, en pleine lévitation (à moins que ce soit 4 policiers qui l'aient porté, allez savoir) et hop, au poste ! Les deux amis ont beau dire qu'ils sont photographiés et filmés (Arte était là), rien n'y fait... les photographes présents sont même empêchés de prendre des photos, et certains sévèrement repoussés.


Photos de 1d-Photo

Mais en fait, quelle joie de se trouver tous deux au sein des seins, pour une visite gratuite chez nos nouveaux amis !
Nous avions proposé de revenir vers la place où nous avions l'autorisation de manifester (mais c'était une manifestation "statique", ont-ils dit) pour leur montrer la déclaration. Mais peut-être la prière devant le commissariat n'a t-elle pas plu? Ils l'ont appelé un "sitting". A moins que ce soit notre descente devant la Fnuc, qui nous l'avions bien vu n'avait pas échappé à un vigile, assez peu avenant malgré l'amour que nous apportions pour pas un rond. Bref, les fidèles se regroupent devant le commissariat, demandant que nous soyons à nouveau réunis pour continuer la prière. C'est alors 3 rangées de CRS, avec toute la panoplie, qui s'interposent pour nous protéger de la foule. Et ils demandent à "nos ouailles" (disent-ils) de s'éloigner, nous n'en sortirons que plus vite (?). Une journaliste de Radio Nova, enregistrant une conversation entre un fidèle et un agent, se fait rabrouer. Elle n'aurait pas le droit d'enregistrer. Et la liberté de la presse (que nous aimons)? C'est seulement 20 minutes plus tard que plusieurs agents reviennent à la charge et l'interpellent, lui demandent sa carte de presse, et l'emmènent sans ménagement alors qu'elle ne fait que son métier. Interrogée au poste, elle devra attendre plus d'une heure, la police disant qu'elle risque d'être accusée pour "cris et vociférations", notre amie journaliste est au bord des larmes... mais sa rédaction enverra un fax libérateur, et elle est finalement libérée non sans un PV pour "tapage injurieux" (elle était pourtant restée tout ce qu'il y a de plus polie) et une convocation devant le Tribunal de Police. Elle passera à l'antenne dans la soirée (et à nouveau dans la semaine, nous vous préviendrons ici), ne manquant pas de faire alors la meilleure publicité à nos amis zélés.


Prières à la Culture, et à la Malbouffe

Pendant ce temps, à l'intérieur, nous sommes assis à quelques mètres seulement de la porte blindée (et insonorisée, c'est beau le progrès) qui nous sépare de nos ouailles, mais impossible d'entendre leur ferveur. On nous demande "Qu'est ce que vous revendiquez ?".


Photo de Frère Rgot

Un fidèle en lévitation vers le poste de police...

Quelle drôle de question posée à de simples pèlerins ! "On est de l'Eglise de la Sainte Consommation !", est notre seule réponse, un peu énervée, regrettant d'avoir été séparé de nos fidèles sans autre concertation. Nous voilà fouillés au corps avec la plus grande précaution, soulagés de nos papiers d'identité, puis assis parmi de nouveaux amis interpellés pour d'autres raisons tout aussi valables. Pendant plus de deux heures ce sera d'ailleurs un véritable défilé. Plusieurs très jeunes (entre 15 et 17 ans) interpellés menottes aux poignets pour avoir fumé une substance illicite et avoir eu le mauvais réflexe de courir dans la mauvaise direction. 30000 morts par an en France dus au tabac, des dizaines de milliers dus à la voiture et à la pollution qu'elle engendre, aucun dus au cannabis, mais on embarque encore des gens pour ca, et on appelle les parents. D'autres jeunes assis avec nous ont été amenés pour avoir rendu hommage au magasin "H&M" en voulant emporter des vêtements sans passer à la caisse. Encore des victimes de la Sainte Publicité ! Heureusement, l'Eglise est là pour ramener tous ces égarés dans le droit chemin. L'une d'eux, égarée, demandait ce qu'elle faisait ici au "commercial" (véridique, au lieu de commissariat!)

C'est ensuite plusieurs amis en civils, dont le commissaire, qui viennent nous parler. Nous comprenons qu'on nous reproche de nous être éloignés de la place où nous avions "l'autorisation". Mais personne ne nous a prévenus que nous ne devions pas nous écarter de la place... Et sans doute le "sitting" devant le commissariat avait passablement énervé nos amis un peu trop susceptibles. Nous conversons également avec quelques CRS qui finissent par conclure "Vous me parlez à moi ou au mur, c'est pareil, alors parlez au mur !"... ce que nous ne manquons pas de faire, en mangeant une pomme qui nous rappelle la balle que jetait Steve Mac Queen contre le mur dans "la grande évasion". Nous patientons, on nous dit que les agents font un "PV d'interpellation", nous pensons que nous allons être interrogés et que nous allons devoir signer un PV avec notre version des faits, puis au bout de deux heures un civil de la Préfecture nous dit qu'il nous a suivis sur la place, qu'il aime bien nos "prêchis-prêchas", qu'il a de l'humour, mais qu'il a été appelé ailleurs et n'a pas pu nous suivre lorsque l'on s'est écartés de la place... Il nous dit qu'il tire "vers le bas" alors que le commissaire de quartier tire plutôt "vers le haut".


Plus jamais ça !

Enfin, au bout de près de 2H et demie, on nous annonce que nous pouvons (et devons) sortir ! "Vous êtes sûrs, on ne peut pas rester encore un peu?" Nous demandons à voir le PV, à emporter quelques traces, on ne nous a même pas interrogés officiellement... et hop, nous sommes dehors, aucune charge n'est retenue contre nous, encore heureux, il est 17H30, nos fidèles sont encore là et nous accueillent devant l'entrée, nous rejoignons la place ! Nous les rassurons, on ne nous a pas passé à tabac, nous apôtres de la subversion qui prions la Consommation... Une prière à la Police sur la place, puis enfin la Communion de l'Euro et la Confession publique de plusieurs fidèles qui n'ont pas assez consommé...
Quelle joie de retrouver notre liberté de culte encadré, notre liberté de parole surveillée, mais quelle joie aussi d'avoir été les invités de nos amis gardiens de l'ordre Commercial !

Signé : Frère Kris

Autres infos sur Indy ici, et sur 1d-Photo

 


J. CASSAGNE / BASOH

"Aux Halles, le faux curé prié de prêcher ailleurs"

(Journal 20 Minutes, rubrique Grand Paris, Lundi 29 novembre 2004)


"La police est intervenue samedi au Forum des Halles, alors que des militants alternatifs s’étaient rassemblés devant la Fnac. Ils étaient venus « prier la Sainte Consommation », à l’occasion de la 5e Journée sans achat initiée en France par l’association Casseurs de pub. « Le faux prêtre et une journaliste de Radio Nova ont été arrêtés », rapporte un participant.
Contactée hier, la préfecture de police n’était toutefois pas en mesure de confirmer l’information."

 

 

Quelques commentaires sur le passage de l'Eglise de la Consommation au Vrai Journal

L'invitation de l'Eglise de la Sainte Consommation au Vrai Journal de Karl Zéro a fait débat au sein de l'église, vous pouvez continuer le débat ici, après avoir vu l'extrait de l'émission.
Nous regrettons que la plus grosse partie de notre prière à la Télé, ainsi que certains de nos commentaires, aient été coupés au montage (notamment par rapport aux Stars de l'info-spectacle et aux cerveaux rendus disponibles pour la Pub). Le journaliste de l'émission nous a assurés en être également déçu et que la raison en était technique et non politique. Par ailleurs, nous précisons que la Journée Sans Achat n'était pas organisée par l'Eglise, qui bien entendu soutient et encourage l'achat sans réserve. L'église était juste invitée à l'événement.
L'émission aura t-elle permis de sensibiliser des gens par rapport à la Consommation, à la Télé et à la Pub? Aura t-elle permis de faire connaître notre Sainte Eglise et de faire venir de nouveaux et dévoués fidèles qui en allumant leur Télé, ont vu la lumière? Au nom du Pèze, du Fric, et de la Carte de crédit, je vous salue.

 

Retour sur l'interpellation d'une journaliste de Radio Nova lors de la journée sans achat


"La Sainte Consommation muselée par les forces de l'ordre (Allégorie)"

Lors de la journée sans achat, l'Eglise de la sainte consommation organisait une procession non-violente autour de la fontaine des innocents. Du côté de la police, on procédait à trois arrestations abusives, dont la mienne, journaliste à Radio Nova venue couvrir l'événement.

Reprenons la scène.
Les fidèles font le tour de la place, glorifiant les temples de la conso (mac do, agent de change etc.…). Tout se passe, selon l'expression consacrée « dans le calme et la bonne humeur ». Pourtant, lors d'un détour à la Fnac du forum des halles, l'action festive tourne court. Des CRS surgissent pour embarquer le prêtre. Je décide de suivre l'arrestation, et remonte les escaliers pour attraper quelques bribes de son. Quand j'arrive à la surface, le père Christophe est en train de se faire « escorter » par la Police. Un fidèle zélé se jette dans ses bras et se retrouve à l'horizontale, porté jusqu'au poste. La pression monte. Les hommes en bleu font barrage et « dialoguent » avec les manifestants, choqués. Soucieuse de garder une trace de ce moment, je tends mon micro. Mais la main d'une jeune femme CRS vient appuyer de force sur les boutons de mon MD pour tenter de l'éteindre. La CRS m'interpelle : « coupez, coupez, on n'enregistre pas la Police ». Pour moi ce geste est démesuré et je revendique alors la liberté de la presse, avant de m'écarter de la ligne bleue. J'enregistre deux participants qui veulent montrer l'autorisation de la manifestation au commissariat, ils sont repoussés.
Un bon quart d'heure plus tard alors que j'interviewais d'autres activistes ainsi que des témoins extérieurs, un fidèle vient me voir : « je crois que la Police a l'intention de te prendre ton son, tu ferais mieux d'y aller ». C'est inimaginable, je n'ai quasiment rien enregistré des CRS, et je fais juste mon travail qui est de recueillir les différentes impressions. 30 secondes défilent sur le MD, le temps que mon interviewé achève sa phrase, et je quitte les lieux, sauvegardant le son. Je pense alors être libre de rentrer chez moi, et pourtant une masse d'hommes bleus m'attrape et m'encercle. Ils veulent m'embarquer.
« Lâchez-moi, vous n'avez pas à faire ça, je suis journaliste, j'ai fini mon reportage, je rentre, point ». Je demande les motifs de mon arrestation, ils sont peu convaincants : « vous n'avez pas de carte de presse donc vous n'êtes pas journaliste, et vous participez à une manifestation illégale ».

C'est faux. Ça ne fait pas assez longtemps que je travaille dans le journalisme pour être encartée, mais je n'en suis pas moins journaliste : j'ai des bulletins de paye de Radio Nova où la fonction de rédacteur-pigiste apparaît clairement. Je leur propose d'appeler mes supérieurs, ils me répondent « c'est ça moi aussi je peux appeler un copain ! ».
Le coup de la carte de presse c'est toujours une bonne excuse pour écarter les micros, et faire planer l'ombre de l'illégalité. Il s'agit volontairement de nier une réalité tout sauf suspecte : c'est normal qu'il y ait des journalistes non-encartés, il faut bien commencer. Et que dire de ceux qu'on appelle les soutiers de l'information, journalistes indépendants et souvent précaires à qui l'on ne fournit pas de documents officiels ? Revenons à l'interpellation.

Je suis de plus en plus inquiète, et eux ne sont pas très à l'aise, ils enchaînent alors sur un autre motif :
« Ne vous inquiétez pas, nous voulons juste vérifier l'enregistrement et voire si nous vous autorisons à le diffuser ». Il n'y a rien sur mon MD qui puissent poser problème, et ils le savent, puisque ensuite au commissariat, ils ne vérifieront rien du tout. Ils veulent juste me calmer, me faire peur. Et quand bien même, si le son est compromettant, je n'arrive pas à me faire à l'idée que la Police ait le droit de l'effacer. Enfin, sans le savoir, je suis entrain de me rendre coupable de « tapage injurieux », d'ailleurs eux ne le savent pas encore non plus, ils trouveront cette justification frauduleuse plus tard.

Dés mon arrivée au poste, on prend ma carte d'identité. Avant que la même jeune femme CRS ne m'oblige à éteindre mon portable, j'arrive à prévenir la rédaction et leur donne le numéro de fax du poste pour qu'ils puissent attester de mon emploi pour Radio Nova. Le commissaire est formel, jusqu'à ce que ce bout de papier arrive, je suis bloquée ici. D'ailleurs, une flic de la brigade VTT ne manque pas méchamment de me le faire remarquer. Les représentants de la force publique ne se gênent pas non plus pour faire des allusions sur ma soi-disant incompétence. On essaye de me dénigrer, « vous n'avez pas fait d'école de journalisme n'est-ce pas ? vous n'êtes donc pas journaliste ».

Qu'ai-je fait au juste ? Pourquoi suis-je retenue dans ce poste de police ? On m'accuse maintenant d'avoir enregistré un représentant de la loi contre son gré. « Pour enregistrer, il faut une autorisation préalable » me dit-on. C'est bien connu, dans ce genre d'intervention, les journalistes quittent le terrain et attendent sagement le fax de la préfecture ! Du jamais vu. Que peut-on me reprocher alors que je me suis écartée suite à l'injonction de la CRS (ça s'entend dans mon enregistrement) ? En plus, l'agent dont j'ai pris la voix 5 secondes, puisque mon micro était tendu, ne m'avait alors personnellement rien dit. Toujours est-il que je me retrouve ici, et en attendant le fax, la jeune CRS qui avait voulu éteindre le MD me prépare un joli cadeau. Elle écrit sur un bordereau et vérifie mon adresse, je la lui donne et demande ce qu'elle compte en faire : « Vous verrez plus tard… » Rassurant.

Le fax libérateur arrive enfin et la CRS me tend la facture : une convocation devant tribunal de police pour « tapage injurieux ». Je proteste, je sais que je n'ai proféré aucune injure ni lors de mon arrestation ni au commissariat.
Je demande à la jeune femme de me le confirmer « Est-ce que je vous ai insulté ? est-ce que j'ai été violente ? » « Non » me répond-t-elle formellement. Alors quoi ? En appeler à la liberté de la presse, pour eux c'est une insulte apparemment. Elle ajoute, zélée : « vous avez enfreint la loi, et mon devoir est de protéger les citoyens ». Sous entendu contre les gens comme moi ? On nage en plein délire. Verdict de son chef : « tapage injurieux, c'est carré, quand on est venu vous chercher vous n'étiez pas très d'accord et on a du vous tirer un peu par le bras » !

C'est officiel, le système de répression de la contestation et de son relais par les médias fonctionne à merveille. Vous n'avez encore rien fait, mais méfiez-vous quand même. Une fois qu'on vous aura arrêté, vous allez sûrement vous y opposer et avec un peu de chance, vous aurez bien une parole ou un geste déplacé. Si vous écopez de la mention « outrage et rébellion », ça peut même se terminer très mal. Dans mon cas, j'ai la chance, d'abord de ne pas avoir perdu mon contrôle, ensuite, et surtout d'être soutenue par ma rédaction. Mais comment font les autres ?

Il est 17H00, retenue depuis une heure par la Police, me voilà courtoisement virée du commissariat « allez, vous dégagez maintenant ! »

Mathilde Serrell

Source/auteur : HNS-info
Mis en ligne le samedi 11 décembre 2004

 

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