L'Eglise de la Très Sainte Consommation était à la cérémonie des Big Brother Awards le 3 février 2006

Les BBA
En vérité, je vous le dis : nous avons perçu la flamme de la Foi en Big Brother et ses Saintes Oeuvres, telles que l'Omniprésente Vidéosurveillance, la Sainte Biométrie, les Miraculeuses Puces Rfid, les Toutes Puissantes Nanotechnologies... car les voies du Progrès sont impénétrables.

Voilà l'article du Canard enchaîné qui relate la cérémonie :

Plouf !
La paix, c'est la guerre

C’ÉTAIT une soirée sympa. La salle Confluences (Paris XX°) bondée, près de deux cents personnes. Des rires, des sketches, une petite cérémonie jouée par des membres de « l'Eglise de la Très Sainte Consommation », en habits joliment ridicules. Des prières potaches :
« Ô Caméra de surveillance, Toi qui veilles sur moi nuit et jour, dans ta grande bienveillance, / Tu es l'oeil de Dieu tout-puissant / Tu es la lumière qui guide mes pas / Grâce à toi, je suis loin des péchés et de la tentation / Grâce à toi, je suis en sécurité. »
Depuis six ans, l'association des « Big Brother Awards », soutenue par différents réseaux comme la Fédération informatique et libertés, Souriez vous êtes filmés, les Virtualistes, l'Observatoire du droit des usagers, etc., procède ainsi à une remise de prix, décernés aux élus, décideurs et entrepreneurs qui se sont particulièrement illustrés en matière de flicage technologique dans l'année écoulée.

Big Cafteurs Awards

Avant chaque prix, un intervenant fait brièvement la liste des nominés. Explique pourquoi ils ont été nominés. Exemple, dans la catégorie entreprise, on trouve :
- Les assurances Covea, qui ont demandé à la Cnil l'autorisation de géolocaliser les automobilistes, afin d'ajuster le montant des primes à la qualité de leur conduite.
- Les hypermarchés Carrefour, pour l'espionnage (caméras cachées, filatures filmées, intimidation) de plusieurs dizaines de salariés.
- Effia services (SNCF), pour avoir tenté d’installer un système biométrique par empreintes digitales à la place de la pointeuse traditionnelle.
- Les mutuelles de santé FNMF, AXA, Groupama, Swiss Life, qui « s'immiscent toujours plus dans les feuilles de soins électroniques en promettant une "anonymisation" des données très hypothétique ».
- La société Lidl, qui a installé dans son entrepôt de Nantes 65 caméras pour surveiller 60 salariés...
C'est cette dernière que le jury a couronnée et, comme il fallait s'y attendre, aucun représentant de Lidl ne s'était déplacé pour venir chercher son prix...
A force, donc, d'entendre s'égrener la litanie des exemples (le principal du collège Maurice-Ravel, qui a imposé la biométrie à la cantine ; l'Inserm, qui propose de dépister dès la grossesse les signes avant-coureurs de « troubles de conduite » des enfants ; la carte Vitale, où les données confidentielles ne sont pas cryptées, ça coûte trop cher, mais simplement codées, etc.), oui, à force, croissait une drôle d'impression, pas vraiment réjouissante: le flicage électronique est en train de s'étendre insensiblement, sans bruit ni scandale. Puisque les nouvelles technologies le permettent, tout le monde veut surveiller tout le monde. Filmer, enregistrer, stocker les données, croiser les fichiers. Et ceux qui s'inquiètent, dénoncent et s'indignent sont considérés comme d'archaïques hurluberlus : puisque tout cela nous simplifie la vie, n'est-ce pas ?
On sortait de cette soirée un peu crispé. Là-dessus, dans le métro, des haut-parleurs nous informaient que des pickpockets étaient « susceptibles d'opérer sur la ligne »: prière d'avoir l'oeil sur nos voisins, ces ennemis en puissance...
Jean-Luc Porquet

Le Canard enchaîné – mercredi 8 février 2006

 

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